Télévision et chantage

Editorial
Télévision et chantage
Publié le : 11.05.2008 | 14h29

Le droit à l'information, qui est le credo de la presse et des médias, peut-il être piétiné au nom de la désinformation ? Les lecteurs de journaux, les auditeurs de radio et les téléspectateurs de chaînes de télévision, peuvent-ils cautionner une information dont le ressort principal est un dénigrement constant, avéré et malveillant de leur pays et de leurs valeurs ? Avec « l'affaire d'Al Jazeera », chaîne émettant à partir de Qatar mais représentée au Maroc par un bureau, se pose un problème à la fois juridique, réglementaire et éthique.

Jusqu'ici, bénéficiant d'un esprit de tolérance dont le caractère provisoire est évident, la chaîne émettait sans difficulté et, par le biais de son équipe implantée à Rabat, diffusait illégalement l'émission intitulée « Journal du Maghreb », alors que ses responsables promettaient sans cesse de remplir les critères requis par le cahier des charges adopté en la matière pour tous les autres organes similaires.

Non contents de diffuser librement ce « Journal du Maghreb », les responsables d'Al Jazeera ont même poussé l'impertinence d'oublier qu'ils étaient tenus par une loi, un texte et une éthique professionnelle. Autrement dit, ils ont feint de passer outre, voire de piétiner la loi marocaine qui leur impose, tout bonnement, de s'y conformer. On se doute évidemment que les mêmes dirigeants d'Al Jazeera n'agiraient guère de la sorte à Qatar ou dans un autre pays qui se respecte et qu'ils s'inscriraient « a contrario » scrupuleusement dans le respect de la loi. Or, s'ils ne jugent pas nécessaire de le faire à l'égard de la loi marocaine, c'est qu'ils entendent délibérément l'ignorer au mieux. Et au pire la mépriser. De ce fait, ils se sont exposés eux-mêmes au rappel à l'ordre des autorités compétentes en la matière. Et plutôt que de s'y conformer, ils ont pris le rappel de mauvaise grâce, en concevant de l'aigreur. Mais le Maroc est un Etat souverain et ses lois incarnent une obligation collective qui ne fait de concession à aucun opérateur, quel qu'il soit, fût-il national ou international.

Cependant, on n'assiste pas moins à une forme de chantage et d'instrumentalisation par le « média choc » de Qatar qui, pour autant, a choisi de pervertir un débat de principe et de droit. La débauche d'émissions hostiles au Maroc, confinant à l'insulte à l'endroit de ses dirigeants et de son peuple, la falsification de l'histoire qui semble se réécrire sur le sol d'une morale mensongère, témoignent d'une absence de déontologie professionnelle. Comment peut-on concevoir autrement que sous l'angle de l'acharnement rédhibitoire la multiplication d'émissions contre le Maroc et ses institutions ? Peut-on imaginer qu'une chaîne occidentale, qui mérite le nom de télévision, puisse faire dans cette sentine de la petite besogne et du dénigrement sans être soupçonnée, un tant soit peu, de parti- pris ?

La chaîne « Al Jazeera » , qui se nourrit à l'évidence d'un certain populisme répandu d'un continent à l'autre, ne peut, à plus forte raison, se soustraire à l'examen critique, car elle est comptable de l'image, de son image propre qu'elle livre chaque jour aux téléspectateurs. Elle ne peut revendiquer ce droit intangible de regard sur les autres, de critique même et en même temps le refuser aux autres sur ses procédés et son chantage ou de condamner ceux qui souhaiteraient et exercer le même regard sur elle…

Par LE MATIN
http://www.lematin.ma/Actualite/Journal/Article.asp?idr=110&id=90892