Hoba Hoba Spirit: le rock qui veut bousculer le Maroc
Par Sélim Smaoui (étudiant à l'IEP de Paris) 17H40 17/03/2008
Le Hoba Hoba Spirit en concert (DR).
Nyon, juillet 2007. La "hayha music" enflamme le dôme du Paléo Festival. Le défi est de toute beauté: faire danser harmonieusement une mosaïque bariolée de punks-à-chiens, métalleux-urbains, émigrés nostalgiques et autres wannabees guévaristes en manque de folklore.
"Blad Skizo", Hoba Hoba Spirit (album "Blad Skizo")
Fouettée par deux trois riffs, délayée de percussion, agrémentée de persiflage et d’autodérision, la mayonnaise Hoba Hoba prend, et se déguste le corps balançant. Sans trop forcer, le public suisse est conquis. Dans les coulisses pourtant, l’épuisement est au rendez-vous. Le groupe n’a pas lésiné sur les moyens pour promouvoir "Trabando", son dernier opus.
Comme pour célébrer cette fin de tournée, le percussionniste avoue rêver de vacances et de flâneries casablancaises, avant d’être coupé par le chanteur, qui confie au passage la préparation d’une nouvelle livraison prévue pour début 2008. "Nous n’avons pas de contraintes marketing. On en profite pour produire autant que l’on peut. Dès septembre, on sera en studio", annonce Réda Allali.
Un message mordant, qui passe en revue les blocages de la société marocaine
Et quel retour, il n’y a qu’à se servir! Les dix titres d’"Al Gouddam" se piochent gratuitement sur la Toile. Loin des atermoiements obligés des premières heures, le son de Hoba Hoba est plus énergique, résolument rock. Au fil des pistes, qui bouillonnent d’influences diverses, le groupe se permet de franchir les frontières et d’atterrir en territoire punk, avant d’être rappelé à l’ordre par les claquements cuivrés des krakeb gnawa, ou par les crissements de Abdelaziz Stati, le maestro en chef de la kamanja.
Mais la fusion n’est que le fond enjoué duquel se détache un message mordant, qui passe la société marocaine au crible du plus fin sarcasme. Avec "Trabando", Hoba Hoba Spirit entendait démolir les réflexes conservateurs mâtinés d’absurdité qui minent la société marocaine. Jouer les vierges effarouchées devant l’invasion culturelle "étrangère", ou mettre en garde contre la perte d’une "marocanité" fantasmée étaient devenus des réflexes par trop fréquents dans le Royaume.
Le groupe en veut pour preuve la rhétorique islamiste dispensant, au gré des sorties médiatiques, le droit -ou non- de se déclarer "marocain", ou encore le procès de quatorze fans de rock, accusés de porter un message satanique contraire à la culture marocaine.
"Radio Hoba" fait de Tanger la capitale du monde
http://www.rue89.com/2008/03/17/hoba-hoba-spirit-le-rock-qui-veut-bousculer-le-maroc