Les pays signataires de l'Accord d'Agadir cherchent à supprimer les obstacles au libre-échange
2008-05-30
L'Accord de Libre-Echange d'Agadir est entré en vigueur en janvier 2007, porteur de grands espoirs pour la croissance économique de la région. Un an plus tard, le constat est plutôt amer et les pays membres pourraient rechercher un arbitrage pour mettre un terme à des litiges de longue date.
Par Mawassi Lahcen pour Magharebia à Casablanca – 30/05/08
La semaine dernière, les partisans de l'Accord de Libre-Echange d'Agadir (AFTA) ont appelé de leurs voeux un arbitrage pour mettre un terme aux litiges empêchant la mise en oeuvre de cet accord. Mardi 27 mai, lors d'un symposium organisé à Casablanca par l'Association Marocaine des Exportateurs et le Centre Islamique pour le Commerce et le Développement, les participants ont fait part de leurs préoccupations quant aux barrières commerciales entre les Etats membres qui subsistent en dépit de l'entrée en vigueur de cet accord début 2007.
Les experts qui participaient à cette rencontre ont appelé de leurs voeux la création d'une agence indépendante d'arbitrage commercial pour suivre la mise en place de cet accord et résoudre les litiges encore en suspens.
Signé à Agadir en 2004 par le Maroc, la Tunisie, l'Egypte et la Jordanie, l'AFTA s'inscrit dans le cadre d'une initiative proposée par le Roi Mohammed VI et soutenue par l'Union Européenne pour faciliter l'intégration des pays de la rive sud de la Méditerranée dans la sphère de la politique européenne.
L'AFTA avait au départ envoyé des signaux positifs aux investisseurs locaux et internationaux, qui y voyaient une nouvelle opportunité d'accéder à un marché unifié de 122 millions de personnes, dans lequel le revenu par tête est estimé à 2 500 dollars. Un avantage supplémentaire de cet accord était la possibilité de stimuler les exportations vers les marchés européens par l'adoption par les pays signataires de cet accord des règles d'origine de l'Union Européenne.
Mais les espoirs des investisseurs ont été rapidement déçus, après que l'adoption de cet accord ait été reportée à plusieurs reprises. L'Union Européenne, l'un des parrains de cet accord, est intervenue en 2006 pour faire avancer les choses. Elle a appelé à stimuler la mise en oeuvre de l'accord par la création de comités d'experts en vue de trouver des solutions aux problèmes techniques en suspens.
De nombreux intervenants présents à ce colloque ont critiqué les Etats membres pour leur manque de volonté à faire avancer l'ordre du jour d'Agadir. Allal Rachdi, directeur du Centre Islamique pour le Commerce et le Développement, s'est demandé pourquoi les accords Sud-Sud échouent, alors que des accords similaires passés avec le Nord donnent de bien meilleurs résultats. "Le problème tient à la volonté politique. Lorsqu'une décision politique est prise en faveur du libre-échange, les autorités douanières, administratives ou techniques s'attachent à supprimer les barrières commerciales. Mais lorsque la volonté politique fait défaut, les autorités administratives vont même jusqu'à créer de nombreux obstacles au libre échange."
Pour Laribi Belarbi, président de la société marocaine de construction automobile SOMACA, le coup d'arrêt porté à cet accord empêche l'expansion de son entreprise dans les autres Etats membres de l'accord d'Agadir. "Lorsque nous avons présenté notre dossier technique aux autorités égyptiennes des douanes en vue de l'exportation d'automobiles assemblées au Maroc", explique-t-il, "elles nous ont confirmé que le dossier était correct et qu'elles ne soulevaient aucune objection."
Mais les autorités politiques égyptiennes ont mis des mois à donner leur accord. "Nous avons attendu quatre mois, et elles nous ont finalement dit que notre demande avait été rejetée", explique M. Belarbi.
Les tentatives de l'entreprise d'entrer sur le marché tunisien ont connu le même sort ; après des mois de négociations, le gouvernement tunisien a fini par rejeter la proposition. Par contraste, explique M. Belarbi, "après seulement quatre réunions, nous sommes parvenus à un accord avec l'Union Européenne pour exporter nos véhicules. L'an dernier, nous avons exporté sept mille voitures vers le marché européen. Nous exporterons vingt mille voitures en Europe en 2008 et plus de cinquante mille en 2009. Entre-temps, nous sommes toujours confrontés à des obstacles sur les marchés des pays arabes méditerranéens, qui ont pourtant signé l'Accord d'Agadir."
Le Ministre marocain du Commerce Extérieur Abdellatif Maâzouz a déclaré qu'une année ne suffisait pas à évaluer avec précision l'Accord d'Agadir. Il a ajouté que le volume total des échanges commerciaux entre les Etats membres avait augmenté de 36 pour cent, mais que cette augmentation n'avait pas été répartie de manière équitable.
Et le président de l'Association des Exportateurs Marocains de renchérir. Abdellatif Belmadani a déclaré que les augmentations n'ont globalement pas bénéficié au Maroc, du fait des obstacles douaniers auxquels sont confrontés ses produits industriels lorsqu'ils pénètrent sur les marchés des pays participants. Il a expliqué que les exportations marocaines vers les pays signataires avaient augmenté de 154 pour cent entre 2000 et 2007, mais que ses importations en provenance de ces mêmes pays avaient, elles, augmenté de 540 pour cent durant la même période, accentuant le déficit commercial du pays.
M. Belmadani a été l'un des nombreux participants à demander un arbitrage commercial indépendant entre les pays signataires de l'accord d'Agadir et l'unification des normes et des pratiques juridiques visant à supprimer les barrières au libre-échange qui subsistent dans la région.
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